Le célibat des prêtres

Encore un article sur le célibat des prêtres !

Oui, et voici un ouvrage nouveau sur la question ; la preuve que certains cherchent encore à montrer qu’il y là matière à réformer : La grâce et la pesanteur. Le célibat des prêtres en question, par Marie-Jo Thiel. Desclée de Brouwer 10 2024, 256p. Marie-Jo Thiel est docteur en médecine et docteur en théologie, ex-présidente de l’Association Européenne de Théologie Catholique (AETC).

La société s’est sécularisée ; et cette église se retrouve doublement affaiblie, par la baisse des vocations presbytérales et par les abus sexuels (Cf. Les travaux de la CIASE la Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise, dite Commission Sauvé qui a rendu son rapport en octobre 2021) De ce fait, cette discipline du célibat ne fait plus forcément signe. (1)

Un Etat démocratique établit des lois afin d’assurer le meilleur vivre ensemble des citoyens. Mais ces lois sont souvent dépassées par les pratiques ou les contre-pratiques des citoyens ou par les circonstances. Il faut donc les modifier, les améliorer. Cette église catholique romane est une merveille ; elle fait des lois qui sont universelles et éternelles ; et qui plus est, qui s’imposent absolument par la volonté d’un seul homme placé à la tête de l’édifice mais sans faire l’objet d’un vote des administrés. Merveilleux !

L’un des pièges du cléricalisme, de ce système hiérarchique, séparé et fermé, est son absence de contrôle extérieur. Dans un Etat démocratique, tout pouvoir a en face de lui un contre-pouvoir, parfois plusieurs, qui permettent d’apporter d’autres points de vue et aussi de mettre mieux à jours toutes les conséquences et les risques d’une décision prises dans un cercle trop isolé. En France, les députés ont en face d’eux les sénateurs et toujours en face le Conseil économique social et environnemental, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat mais aussi leurs électeurs tous les 6 ans.

Masolino da Panicale, La tentation d’Adam et Eve, chapelle Brancacci, Santa Maria del Carmine, Florence, 1424.

Les règles de l’Eglise au-delà des droits de l’homme ?

« L’obligation du célibat faite aux prêtres est une règle de Droit canonique, c’est-à-dire d’un ensemble de normes éditées par l’Eglise catholique pour son gouvernement et celui de ses membres. Cette règle interne à l’église catholique romaine va à l’encontre, pour le droit français, de la liberté matrimoniale protégée par les articles 2 et 4 de la déclaration de 1789. La même protection résulte des traités internationaux, en particulier de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950 aujourd’hui ratifiée par les 47 Etats membres (Convention européenne du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales**)** du Conseil de l’Europe dont les 27 membres de l’Union Européenne. Le droit commun qui s’impose à tous dans une société démocratique donnée, s’applique théoriquement aux clercs, mais l’expérience prouve qu’il faut franchir parfois beaucoup d’obstacles. Ces obstacles soulèvent des questions fondamentales sur l’équité et les droits individuels au sein d’une institution qui, par ailleurs, prône l’amour et la compassion. Alors que ces défis persistent, certains groupes mêlent ces idées avec des références historiques et contemporaines, soulignant la complexité des interactions entre la foi, les traditions et les valeurs des droits de l’homme. Il est crucial de reconnaître que, bien que l’Église puisse justifier ses règles sur des fondements théologiques et traditionnels, cela ne doit pas se faire au détriment des libertés individuelles garantissant la dignité humaine.» (Extrait du livre de Michèle Bartoli-Bonnechère, épouse d’un prêtre ouvrier / Mission de France)

Au nom de quoi cette église catholique se donne-t-elle le droit de se dispenser du respect des droits humains acquis ? On n’est plus à l’époque du syllabus du Pape Pie 9 !

Pourtant nous savons qu’il y a aujourd’hui dans l’église catholique nombre de prêtres en activité qui sont mariés, à commencer par les prêtres de rite oriental, mais aussi tous les anciens pasteurs ou évêques anglicans qui ont refusé d’entériner l’ordination de femmes dans leur église et qui ont été accueillis à bras ouverts par Jean Paul2. Il est fascinant de constater comment cette évolution modifie la perception du célibat sacerdotal, remettant en question les dogmes ancestraux et permettant une réévaluation des pratiques au sein de l’Église, tout en soulevant des débats passionnés sur la place des prêtres mariés dans la hiérarchie catholique. Ainsi que les pasteurs protestants venus au Catholicisme, qui apportent avec eux non seulement des croyances nouvelles, mais également des perspectives importantes sur le mariage et la vocation sacerdotale, illustrant un pont entre les traditions chrétiennes diversifiées qui continuent d’influencer les dialogues actuels au sein de la foi.

On se rappelle d’ailleurs que les 215 Pères grecs, orientaux ou arméniens, réunis lors du Concile dit « in Trullo », c’est –à- dire « sous la Coupole » du Palais impérial de Byzance en 691-692 s’opposèrent sur plus d’un point à Rome, notamment et expressément sur le treizième canon. Il maintenait que les hommes sous diacres ou diacres ou prêtres ordonnés mariés ne devaient pas quitter leur femme mais au contraire vivre en parfaite harmonie avec elle. Pour de plus amples informations on se reportera au Site https://www.persee.fr/doc/rebyz_0766-5598_1965_num_23_1_1339

Et cette règle persiste jusqu’à aujourd’hui.

Le célibat forcé des prêtres, une tradition relativement récente.

N’oublions pas que durant tout le Moyen Âge les prêtres séculiers étaient mariés. Ils étaient ainsi très proches du peuple par le fait qu’ils avaient eux aussi la charge d’une famille. Se dire enfant de prêtre ou épouse de prêtre était une chose normale. Les évêques étaient plutôt choisis parmi les moines mais surtout parmi les nobles ou les aristocrates. Les choses ont évolué lorsque plusieurs papes ont été choisis parmi les moines. Ils ont voulu imposer au clergé séculier le mode de vie des moines. Et ils ont fait voter cette réglé du célibat au cours des deux conciles dits de Latran, 1123 et 1139, qui se sont tenus à la Basilique romaine de Saint Jean de Latran, près de la demeure des papes. Ils ratifiaient ainsi le décret pris personnellement par le pape Grégoire 7 interdisant le mariage et le concubinage des prêtres en 1074. Cette mesure est prise pour éviter surtout que le patrimoine des paroisses et des prêtres tombe, lors de leur décès, entre les mains de leur descendance. Noter d’ailleurs que ce sont les deux premiers Conciles qui n’ont pas été convoqués par un Empereur et qui n’ont pas eu lieu dans le Palais de l’Empereur. C‘est aussi l’époque où les papes n’ont plus été nommés par l’Empereur, ni les évêques (Cf. la Querelle des investitures. Voir cette expression sur Wikipédia). 1139-2025 ? ça fait plus de 50% de la durée de cette église, 56% exactement, mathématiquement, ce n’est pas rien. Lorsqu’on parle de tradition, en voilà une qui a duré 56% du temps depuis la mort de Jésus !!!

Récemment, plusieurs prêtres ont annoncé, avec plus ou moins de publicité, qu’ils mettaient fin à leur Ministère. Deux d’entre eux étaient curés de grandes paroisses à Lyon dont le Père Gréa, curé emblématique de sainte Blandine en 2017. Récemment le Père Matthieu Jasseron, après avoir obtenu une grande audience sur les Réseaux sociaux, décidait de ne plus fonctionner comme ‘’le VIP de l’institution’’. Ces départs n’ont rien d’isolé et, si on veut bien se donner la peine de chercher, sont autant d’indices d’une crise profonde.

Entre 1949 et 1980, plus de 60.000 départs de prêtres, religieux et religieuses ont été recensés en France, le nombre de religieux et religieuses partis étant même supérieur au nombre de prêtres séculiers partis. Dans les années 1960, 200 prêtres quittaient chaque année leur ministère. A cette époque, ils étaient encore nombreux dans les diocèses. Mais aujourd’hui ces départs se doublent d’une part de nombreux décès car le corps ecclésiastique est en général assez âgé proportionnellement à toute autre groupe de population, d’autre part de la crise des vocations qui tarit l’entrée dans les ordres. Une centaine d’ordinations par an ne suffisent pas à combler les vides. Et si on divise ce chiffre par le nombre de diocèses, on arrive alors à ce chiffre effarant de 1 ordonné par an et par diocèse !

Si on veut analyser d’un peu plus près, on découvre à l’origine de ces départs des désaccords sur la doctrine, une nouvelle compréhension des points fondamentaux de la foi chrétienne, un désaccord sur les rites, les comportements relationnels, les décisions prises souvent impériales… qui vont se traduire dans le refus d’obéir et la décision d’aller voir ailleurs pour y trouver un autre épanouissement personnel qui aboutira, mais pas toujours, si l’opportunité se présente, dans un mariage. 

Eglise et sexualité

On sait à l’inverse qu’il y a une réelle déficience dans cette église en matière de réflexion sur la sexualité. Pourquoi est-elle si coincée à ce sujet ? Homosexualité, exclusion des femmes, contraception, avortement, « la soi-disant théorie du genre », mais aussi désacralisation de la figure du prêtre, culture d’obéissance… que de questions sur lesquelles la hiérarchie se montre peu capable d’une réflexion en relation avec la modernité et d’une saine évolution. On pense encore en termes d’interdit et de permis alors qu’il s’agit d’une question de relation et d’expérience personnelles dans la perspective du développement des puissances d’amour qui sont autant de forces à l’œuvre dans les hommes.

Jean(2)

  • (1)La Commission a évalué à près de 330.000 le nombre d’agressions sexuelles commises depuis les années 50 jusqu’en 2021 par 3.000 pédocriminels prêtres ou laïcs dans l’église catholique. Elle a présenté 4 propositions. Une déflagration ! Rendons hommage cependant à la hiérarchie qui a eu le courage de demander ce rapport à une commission indépendante à la différence des autres pays où cela n’a pas été fait à l’époque.
  • (2)Cet article est reproduit avec l’autorisation de l’auteur à partir du blog internet :

https://enfantsdusilenceblog.wordpress.com/

(Les sous-titres sont de la rédaction)

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