A propos de reliques…

Il faut une bonne dose d’humour pour évoquer la question des reliques dans la religion catholique et pour constater la dévotion dont elles font l’objet de la part des fidèles.

Souvenirs, souvenirs

Garder un souvenir d’un défunt qui nous était cher, rien de plus naturel, rien de plus humain. Il semble effectivement que le soin aux défunts, l’attention aux sépultures, la mémoire des disparus soient l’une des caractéristiques de l’espèce humaine, parmi tous les animaux. Le souvenir d’un défunt proche, ce peut être un objet qui lui appartenait, ou que l’on avait reçu de lui. Ou un lieu, que l’on aime retrouver. Ou le lieu de sa sépulture.

Bien naturellement, la religion catholique a repris ce sentiment du souvenir des défunts pour le perpétuer sous un angle spirituel. Les rites des funérailles en témoignent.

La religion n’est pas la seule institution à conserver des reliques des défunts. Le Panthéon est un reliquaire de la République, à Paris. Et chaque guerre a ses musées, ses ossuaires respectés, et visités. Des hommes politiques, des écrivains, artistes, chanteurs célèbres ont bien aussi leurs lieux de mémoire qui se visitent, avec leurs objets familiers exposés.

Les grandes religions conservent volontiers des reliques, mais avec une ampleur bien moindre que la religion catholique.  Le bouddhisme honore de nombreux objets ayant appartenu à Bouddha, y compris ses dents. L’islam garde des objets de Mahomet, ainsi que des cheveux et des poils de sa barbe.

Les souvenirs des saints

Mais s’agissant des souvenirs des « saints », c’est-à-dire des croyants défunts spécialement honorés comme exemplaires par l’Eglise catholique, la tradition de garder un souvenir s’est vite amplifiée, s’est dégénérée jusqu’au macabre ou au ridicule !

 Il faut bien le dire : souvent à la demande et grâce à l’action des fidèles, des croyants ! Une partie du clergé et de la hiérarchie religieuse a volontiers encouragé ces demandes, et a même exploité outrageusement ce penchant. Exploitation financière et exploitation de soumission. A côté d’un reliquaire, il y a souvent un tronc pour les dons ! Mais une autre partie du clergé a dénoncé ces pratiques superstitieuses et les dénonce encore actuellement. La hiérarchie a souvent oscillé entre la prudence vis-à-vis de cette « piété » populaire, et l’acceptation de cette ferveur.

De siècle en siècle, des collections de reliques

 

Dès les premiers siècles après l’organisation du christianisme, puis au Moyen Age, l’attrait des reliques des saints n’a cessé de croître, de se diversifier, de s’exagérer.

C’est en 325 que l’empereur romain Constantin, sous l’influence de sa mère Hélène, favorise la recherche des restes de la passion du Christ et de tout ce qui s’en rapproche, pour en faire des reliques. Après la « Sainte Croix », Il s’en est découvert à foison ! Comme cela fut très lucratif, les reliques des apôtres, des premiers disciples, surgirent aussi en grand nombre et furent distribuées, en général moyennant finances, à toute la chrétienté. Ce déferlement a vite paru exagéré et des ordonnances successives ont dû interdire ou limiter les ouvertures des tombeaux qui pillaient les cadavres pour la revente.

Charlemagne, Louis  IX(au grand dam du budget du royaume) et les croisades ont été particulièrement pourvoyeurs de reliques.

Dans l’ouvrage « Petite Histoire de l’Eglise Diocésaine de Viviers », travail d’équipe coordonné par l’Abbé Jean Charray, publié par Lienhart, Aubenas, 1977, est citée une liste, dans un document de 1529, de reliques de la cathédrale de Viviers : « des fragments de la croix, du suaire, de l’éponge de la passion du Christ ; des cheveux, du lait, des morceaux de la robe, du voile, de la chaussure, du tombeau de la Vierge ; du sang, une partie du doigt, un morceau du vêtement en poils de chameau de saint Jean Baptiste ;une dent de saint Pierre et des fragments de ses os et de sa croix ; un morceau de la tête de saint Laurent et un fragment des pierres de sa lapidation, etc »(page 79).  Pour d’autres églises, le même historien énumère : des os, des dents, un fragment de l’éponge du calvaire, de l’herbe du jardin où le Christ apparut à Marie Madeleine, des reliques des « onze mille vierges » de Cologne, un fragment de la chaussure du Christ, etc, etc.

Des turbulences historiques

Les guerres de religion ont en France mis à mal de nombreuses reliques. Les protestants, suivant Luther ou Calvin (auteur d’un « Traité des reliques »), refusaient comme superstition cette vénération. Des reliquaires ont été pillés, brulés avec l’église, ou dégradés, profanés, par exemple à Lodève pour le corps de saint Fulcran.   Agrippa d’Aubigné rapporta que, pendant les guerres de Religion, des protestants, à Périgueux, ont brisé une fiole contenant un éternuement du Saint Esprit ! (Lire l’étude de Françoise Biotti-Mache).

 Plus tard, c’est la période révolutionnaire qui a été à nouveau une épreuve pour les reliques, les châsses, etc. Ainsi pour protéger la « sainte tunique », à Argenteuil, il a fallu la découper et la cacher ; un morceau n’a jamais été retrouvé ! Certaines ont été volées, puis retrouvées bien plus tard, comme le bâton de saint Joseph volé en Angleterre puis retrouvé et toujours présent à Naples ! Ou comme l’anneau de mariage de Joseph et de Marie ! Les histoires rocambolesques de reliques ne manquent pas !

Après des siècles, nous nous trouvons maintenant devant un inventaire ahurissant de reliques ! dans le monde entier, mais surtout en Europe, les cathédrales, les églises, les monastères, les lieux de pèlerinage rivalisent pour les acquisitions de reliques. Evidemment, chaque lieu de culte cherchait à obtenir, quitte à payer fort cher, les reliques les plus insignes, car elles attiraient les foules les plus nombreuses de pèlerins et donc étaient sources de prospérité pour le lieu, pour la congrégation ou le clergé. Ce constat au passé pourrait d’ailleurs être au présent. Là où se trouve le cadavre-ou ne serait-ce qu’un morceau de cadavre- d’un saint connu, là est une source de prospérité. Le tourisme et les installations touristiques gagnent beaucoup à posséder une châsse ou un reliquaire bien garni. Des objets divers, souvent inattendus, estampillés au nom du saint, des images pieuses, parfois munies d’un minuscule brin de tissu, des médailles, se vendent très bien. Chaque jour se consument des centaines de lumignons et de cierges payants, censés continuer la prière du pèlerin. Même si cela est actuellement en déclin, au rythme actuel de la déchristianisation, en occident, il reste encore de belles affaires à faire sur les restes des saints les plus populaires.

Tout récemment, le nouvel autel de Notre Dame de Paris, comme c’est le cas pour tous les autels de toutes les églises, a reçu des reliques de cinq saintes et saints : Sainte Marie Eugénie Milleret, Sainte Madeleine-Sophie Barat, Sainte Catherine Labouré, Saint Charles de Foucault et le Bienheureux Vladimir GhiKa.

Pourquoi de l'humour avec les reliques?

Qu’en est-il de l’humour nécessaire évoqué en début de réflexion ?

C’est que l’humour permet d’atténuer la colère, l’indignation.

Il y a sans doute dans le monde des morceaux de la sainte vraie croix suffisants pour reconstituer une bonne douzaine de croix. De même pour la couronne d’épines, la sainte tunique, le voile de visage ou mortuaire, ou les oliviers du jardin des Oliviers de Jérusalem. Etc.

Et que dire du saint berceau ? Des tibias de Saint Pierre ? Des os de Saint Jacques retrouvés en Galice, au IXème siècle, par un ermite guidé par une pluie d’étoile ? du souffle de Joseph au travail, dans un flacon ? du lait de Marie ? (En général, cette mention est une expression abrégée de « lait de la Grotte du lait de Marie », à Bethléem,  en réalité lait de craie, ou poudre de craie, mais une appellation restée volontairement ambigüe) … 

Le nombre de reliques aujourd’hui demeure absolument considérable. Et leur authenticité la plupart du temps est très suspecte ! Comment cautionner des apports d’os venant de martyrs des premiers siècles ? Le site de Wikipédia, dans la rubrique « relique », relate que notre ferveur dispose par exemple de trente-deux doigts de saint Pierre, de onze jambes de saint Matthieu, de quatorze saints prépuces de Jésus, ainsi que de la pierre où s’est faite sa circoncision, et d’un grand nombre de fragments du cordon ombilical.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Relique

La hiérarchie de l’Eglise catholique a été amenée à classifier les reliques. Première classe : corps ou parties importantes du corps, objets très personnels. Deuxième classe : petites parties du corps, objets personnels ou proches. Troisième classe pour les objets, les vêtements, les écrits. (voir :https://www.riposte-catholique.fr/archives/160604?lang=fr)

 (cf. https://relics.es/blogs/relics/la-classification-des-reliques )

Le Droit canon interdit actuellement le commerce des reliques, et règlemente très précisément leur échange, transfert, destruction, et même leur vénération. (CIC 1190)

Mais sous couvert du respect de la piété populaire, des lieux prestigieux de pèlerinage vers des reliques douteuses sont bien admis, comme Saint Jacques de Compostelle, les Saintes -Maries -De -La -Mer, La Sainte Baume, la sainte chapelle à Paris, ou Turin pour le « saint suaire » et beaucoup d’autres ! De même, des processions de châsses ou de reliquaires, des ostentations festives sont admises voire conseillées. Il y a même des statues qui pleurent, des fioles de sang qui se liquéfient ! Autour des reliquaires exposés fleurissent souvent des plaques ou des objets en « ex voto » pour l’obtention de grâces ou de guérisons miraculeuses.

Tout cela ne favorise pas une foi adulte et raisonnable pour le XXIème siècle.

Claude, mai 2025

Pour plus de renseignements :

https://fildelhistoire.com/2020/07/25/la-chasse-aux-reliques-un-commerce-peu-catholique/

https://memento-mori.info/histoire-des-reliques-voyage-mystique/

Sur l’histoire et les abus , une étude de Françoise Biotti-Mache, parue dans la revue « Etudes sur la mort », 2007,N° 131, pages 115à 132 :

https://shs.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2007-1-page-115?lang=fr

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