Que d’histoires autour de la crèche !
Il nous revient de passer du conte enfantin à une foi d’adulte.
Et de décider aussi de ce que nous voulons raconter aux enfants , pour qu’ils ne rejettent pas, à l’adolescence, les récits de l’Eglise comme les contes de Perrault !…
Sur l'origine de nos crèches...
Dès le Moyen âge des pièces de théâtres et des représentations sur tréteaux, dans la rue, étaient très appréciées du public en Europe. Elles donnaient lieu à des fêtes qui n’allaient pas sans débordement. Elles s’inspiraient de tout matériau, y compris de tradition païenne. L’église s’en est inspirée mais pour les remplacer par des représentations s’inspirant des évangiles. Elles étaient jouées dans les églises ou sur les parvis et même au cours des célébrations liturgiques qui n’ont pas toujours été aussi figées qu’aujourd’hui ! Beaucoup s’inspiraient de la naissance de Jésus.
Pour la Noel 1223, François d’Assise, lui, conçoit une crèche vivante à Greccio près de Rieti en Italie, avec un bœuf et un âne en vrai ! C’est lui, le Poverello, qui a inventé cela, un peu poète, toujours admiratif et émerveillé. Et il enrôle les habitants pour figurer comme personnages dans cette crèche vivante. Mais ailleurs on développe plutôt l’usage de figurines en bois, en papier, en métal, en cire, en mie de pain ou en verre filé, notamment dans l’Italie du sud. ; elles ont alors comme finalité de matérialiser l’image du Christ et de ses parents auprès de populations alors analphabètes. (Notons au passage les qualités de pédagogue de François. Essayez en effet de faire jouer cette scène par les enfants ou même par des adultes. Ils vous diront tout de suite : « je crois que j’ai mieux compris ! ») On ne compte plus alors les peintures, fresques, mosaïques ou bas-reliefs mais avec des statues indépendantes représentant la crèche. François et les franciscains de l’époque voulaient recentrer la foi sur la personne de Jésus. Les jésuites feront de même au 16ème siècle après avoir mesuré l’impact sur la foi de ce retour à la représentation.
Ces crèches se sont donc multipliées ensuite, mais cette fois dans les églises comme nous les connaissons au 16éme siècle. La plus célèbre, la crèche de Prague faite par des Jésuites en 1562. Progressivement les crèches passent dans les maisons où elles sont fabriquées avec toutes sortes de matériaux.
Un test : A votre avis, l’âne et le bœuf sont-ils mentionnés dans les évangiles ? Vous hésitez ? Non, ni l’un ni l’autre n’y sont mentionnés. Pourtant les ânes étaient alors le moyen de transport le plus utilisé. Mais tous les deux font partie de la crèche provençale. Nous sommes là dans le cadre de la piété populaire. La crèche de Noël peut être statique, mécanique ou vivante.
On ne s’étonnera pas alors de retrouver dans l’une des églises majeures de Rome, la basilique Sainte-Marie-Majeure, dans un reliquaire en cristal et en bronze doré le « Saint-Berceau » qui selon une tradition aurait porté l’enfant Jésus !
Quant au santon, il est d’origine méditerranéenne. Ce mot « santoun » en provençal signifie d’ailleurs « petit saint ». Le santon de la tradition se doit d’être en argile. Ils sont tous là : Grasset et Grasseto, les petits vieux, le ravi toujours ébahi, le tambourinaire, le meunier avec son sac de farine, le rémouleur… Ce sont des petites gens qui entourent Jésus. Encore une mise en scène populaire pour illustrer ce que seront sa parole et sa pratique en Palestine.
Les Mages
En amalgamant des événements dispersés à travers différentes périodes de l’histoire, Mathieu, qui n’est pas historien mais évangéliste, a composé son scénario. Il met en scène des « Mages venus d’Orient », personnages mystérieux et anonymes. L’Orient c’était Babylone et la Perse ; des astrologues érudits ont souvent servi de conseillers à des prêtres ; ils étaient astronomes avant la lettre, très attentifs aux mouvements des étoiles ; ils pratiquaient l’art de la magie. Les siècles en ont fait des rois. Au 13ème siècle, on leur donna des noms : Gaspar, Melchior et Balthazar. Ils apportent des cadeaux de très grand prix comme l’encens, l’or ou la myrrhe. Ces trésors évoquent l’Arabie. Enorme contraste avec la pauvreté imaginée du lieu : une étable et la mangeoire d’animaux. Ce petit sera grand ! On le traite déjà comme un grand, mais selon les catégories du siècle dont l’essentiel, la richesse ! Matthieu fait allusion, semble-t-il, à un texte du prophète Isaïe qui annonce comment, à la fin des temps, les nations se rassembleront à Jérusalem : « Tu seras couverte d’une foule de chameaux, de dromadaires de Madian et d’Epha ; Ils viendront tous de Séba ; Ils porteront de l’or et de l’encens et publieront les louanges de l’Éternel. » (Matthieu 2:11, Esaïe 60: 6). Les juifs orthodoxes attendent toujours cet avènement pour demain ! Les Pères de l’église y verront des allusions directes : l’or pour le Roi ; l’encens pour la divinité et la Myrrhe comme aromate pour l’ensevelissement.
Cette magnifique mosaïque de Saint Apollinaire-le-Neuf à Ravenne date du 6ème siècle
Depuis Origène, au troisième siècle, ils sont trois. Au neuvième siècle seulement, ils auront pour noms : Gaspard, Melchior et Balthasar. Selon une autre tradition ancienne, ils auraient, dès le Moyen Age, été assimilés aux trois âges de la vie et plus tard, aux trois continents déjà connus: l’Asie, l’Afrique et l’Europe ; ils veulent représenter les hommes de toute la terre venant honorer l’Enfant de Bethléem, donner déjà à l’évangile une dimension universelle, alors que le judaïsme était plutôt replié sur la gens circoncis. A partir du 12ème siècle, on com¬mence à représenter un des Mages en roi et de race noire. Plus tard, les trois Rois Mages seront adoptés comme patrons des voyageurs et des pèlerins. Ainsi l’imagination populaire ou les besoins de la cause transforment ce qui était déjà au départ raconté comme un conte.
En fréquentant ces textes, on s’aperçoit qu’ils sont chargé de sens, mais pas nécessairement celui qu’on avait imprimé dans nos mémoires d’enfant.
Il est temps de passer à une foi d’adulte !
Jean C. décembre 2023