Un peu de détente…et d’humour!

L'institutrice de Jésus convoqua un jour Marie.

« Il faut que je vous voie, et c’est assez urgent ! »

Marie s’affola un peu. Qu’est-ce qu’il a bien pu faire ? C’est un pacifique, se disait-elle ; il n’a pas pu se bagarrer avec ses camarades. Mais aujourd’hui, on ne  sait jamais.
« Madame, lui dit l’institutrice, votre fils me pose problème. »
« Je vous assure pourtant, dit Marie, que c’est un garçon très respectueux. »
« Oui, certes, dit la maitresse, mais il se met beaucoup en valeur et surprend son monde en racontant sur son compte des choses étranges à ses petits camarades.
Il raconte par exemple que, de temps à autre, il entend des voix mais il ne dit jamais ce qu’elles lui disent ; ça reste secret. Alors ça fait des jaloux, vous comprenez !
Il a aussi raconté que lors de sa naissance, des bergers s’étaient rassemblés pour lui chanter un chant de Noël. Il leur a même dit que l’étoile du Berger s’était arrêté quelques heures au-dessus de l’hôtel où vous avez accouché, tout ça pour guider des marchands venus d’Arabie saoudite avec des chameaux; et qu’ensuite ces marchands lui avaient offert de beaux cadeaux.
Ses petits camarades se régalent de ces histoires ; certains n’y croient pas. Ils disent que c’est un vantard d’autant plus qu’il est né accidentellement, je crois,  dans la région de Jérusalem et pas en Galilée,  d’après ce que j’ai vu sur votre livret de famille, et lors d’un de vos voyages. »
« Il faut l’excuser, Madame. Ce sont certainement des histoires que son père lui a racontées pour l’endormir le soir, dit Marie. »

Ah! Son père...

« Tenez, d’ailleurs à propos de son père, l’autre jour il a raconté que son père, celui qui vient le cherche en vélo à cinq heures, ce n’est pas son vrai père. Un de ses copains nous a raconté que, de temps à autres, il parle, et avec un profond respect, de « son père qui est dans les cieux ». Il doit s’agir de quelqu’un d’autre que personne ne connaît et n’a jamais rencontré ici. Vous savez combien notre communauté juive est à cheval sur ces questions-là ! Aussi, nous en avons informé le rabbin mais il n’a rien trouvé à redire après avoir vérifié que le livret de famille n’était pas un faux. D’ailleurs, il parait que ça se disait aussi en ville ; mais vous savez, les gens aiment les racontars ! Le rabbin nous a rassurés. »

L’institutrice reprit : « Vous êtes vous-même originaire de Jérusalem, je crois ? »
« Oui, des environs, un peu plus au sud. »
« Vous  y avez de la famille ? »
« Oui, des cousins ; mais on ne se voit pas souvent. La dernière fois, c’était pour une naissance, il  y a 10 ans ! »
« Et vous êtes venus chercher un mari en Galilée, ajouta l’institutrice avec un clin d’œil ! Vous avez raison. Les galiléens sont des gens joviaux, des ruraux. Ils vivent loin de la grande ville. Pourtant Jérusalem est une belle ville ; le temple est une merveille.  J’aurais aimé  y habiter ; mes parents s’y sont toujours opposés. Ils ont peur des soldats  romains qui ont toujours de drôles de manières avec les filles. »
« Oui, je sais, renchérit Marie, en baissant les yeux.  Actuellement, nous  y allons juste pour les pèlerinages, à Pessah notamment. Mais nous n’y allons pas seuls.  Nous partons avec la caravane ; il y a beaucoup de brigands et de voleurs sur le chemin. Et ce n’est pas à côté ; il y faut plus de deux jours de marche. Nous emportons nos provisions mais là-bas, il y a toujours de l’argent à donner ; au temple par exemple, il faut toujours payer, avec de l’argent ou avec des offrandes en nature. Jésus, ça l’énerve, ça ! »


Le petit Jésus conte et raconte.

« J‘avais une question à vous poser, reprit l’institutrice : êtes-vous allés en voyage en Egypte ? »
« Non, dit Marie, les voyages coutent cher. Nous n’en n’ avons pas les moyens. »
« Jésus raconte pourtant que vous y êtes allés avec un âne, ce qui, vous vous en doutez, nous a fait beaucoup rire ; il ne connait pas les distances. Il racontait qu’il était poursuivi par des soldats du roi Hérode à cause de cette fameuse étoile car le roi était jaloux de ne pas avoir eu lui aussi une étoile lors de sa naissance. Il a un art assez extraordinaire pour raconter ces histoires. Nul doute que ça fera plus tard un bon écrivain ou encore un comédien.
 Ah ! J’allais oublier. Dernièrement nous avons pu emmener les enfants se baigner en Mer de Galilée. Il s’est baigné comme les autres mais il racontait qu’un jour il serait capable de marcher sur les eaux.  Il y a même des enfants qui l’ont représenté lors de la séance de dessin comme un ange avec des ailes et  volant sur les eaux !
Lors des récréations, il n’est pas rare de voir se former un petit groupe autour de lui. Mais quelques fois, le groupe s’agrandit. Les enfants ne jouent plus. Ils écoutent ses histoires.
Il parle des travaux des champs comme s’il était fils d’agriculteur. Pourtant je crois savoir que votre mari est artisan ; il est entrepreneur en bâtiment, n’est-ce pas ? Lui, il parle surtout des moissons, comme s’il les avait faites. Il raconte en particulier l’histoire d’un figuier  planté dans un champ de vigne et qui ne faisait pas de fruit. Il parle aussi des oiseaux que personne ne nourrit sauf la nature par ses feuilles et ses fruits.  Il aime beaucoup les fleurs aussi comme les lys des champs. Par contre, comme nous ne servons pas de vin aux enfants, il confond facilement l’eau et le vin.

Est-ce que vous avez des propriétés agricoles, un bout de champ, par exemple ? » 

« Nous n’avons qu’une modeste maison dans le petit village de Nazareth, dit Marie. Il y a beaucoup de champs à côté et jésus va souvent jouer avec les petits dont les parents sont agriculteurs ou viticulteurs. »
« Il est très observateur et il aime la nature. Lui est-il arrivé de dormir dehors ?
Oh, non, répondit  Marie. Les journées sont chaudes ici mais les nuits sont très fraiches. Il s’est construit un petit abri, une petite cabane avec les tombées des lambris de son père. Il aime bien s’y cacher mais il n’y dort pas.»
« En tous cas, il en rêve. Il a même quelquefois invité des copains à aller dormir dehors mais les parents s’y  sont opposés, reprit l’éducatrice. Je voulais aussi vous demander : Est-ce que votre mari va à la pèche quelques fois ? »
«  Non, il n’en a pas le temps et le lac est encore assez loin. »
« Ici, à l’école, il y a pas mal de fils de pécheurs, dit la maîtresse,  et il est souvent avec eux. Certains sont même ses meilleurs copains ; il y a les deux frères Simon et André mais aussi Jacques et Jean ; leur père s’appelle Zébédée ; vous le connaissez ? »
« Mon mari le connaît, peut-être, parce qu’il travaille le bois et ça intéresse les propriétaires de bateau. Peut-être que jésus a connu ces copains lorsque leur père est venu solliciter mon mari pour un chantier. » 
« C’est certainement ça car il s’y connaît aussi en matière de pêche. On l’entend quelques fois donner des ordres, comme s’il était patron de chalut : ‘Jetez les filets par ici. Non, pas là, plus loin ! Préparez l’épervier ; il va y  avoir du poisson ! » Les gamins se régalent, comme s’ils étaient avec lui sur la barque ? On les entend crier : « Patron, réveillez-vous. la tempête approche ; les eaux s’agitent et les nuages montent! » On se croirait au théâtre ! Il a vraiment  le caractère d’un meneur d’hommes.

Et l'instruction religieuse?

Il n’ y a qu’avec le rabbin que ça ne marche pas très bien. Le brave homme leur fait apprendre les textes de la bible et il les leur fait réciter tous ensemble pendant une heure. Jésus n’aime pas ça. Il trouve ça trop compliqué. Il dit que ça ressemble trop à du troc  avec dieu: tu me donnes ça ; je te donne ça ! Il pense que dieu n’est pas un commerçant ou un maquignon. Et il se met même en colère quand il en parle. On a l’impression qu’il a quelques idées sur la question.
Vous lui faites le catéchisme, certainement ? »
« Oh, très peu, dit Marie. Je ne veux pas le surcharger.  Il aime jouer ou aller travailler avec son père ; il est devenu un peu son apprenti depuis qu’il a passé ses dix ans. Je lui raconte beaucoup l’histoire de notre peuple mais il s’intéresse surtout aux prophètes. Il aime chanter les psaumes comme à la synagogue. Comme vous l’avez vu vous-même, il a une très jolie voix. »

« Excusez-moi. Je vous prends votre temps et je sais que vous avez fort à faire avec vos autres enfants. Ils ne sont pas dans ma classe ; ils sont encore trop jeunes. Mais déjà, l’an prochain, j’aurai le plus âgé, Jacques.
Je vous laisse. Merci d’être venu parler de votre ainé.
Mes excuses si je vous ai causé du souci.
Shalom. שָׁלוֹם .

Marie gardait toutes ces choses dans son cœur.
Qui sait ce qu’il deviendra, ce petit ?

Jean, 24.03.2025

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